Info ou intox ?
Interview :
Cosimo DICIOLLA, naturopathe.
Les conseils délivrés par Cosimo DICIOLLA, naturopathe, vous permettront de découvrir ci-dessous l’essentiel de ce que vous devez savoir sur les bienfaits des jus détox et leur incidence sur l’organisme concernant notamment le processus de perte de graisses, mais pas que… Aussi vous pourrez décider d’adopter les bons comportements vis-à-vis de leur consommation.
Stéphane ROLLAND :
Aujourd’hui, en tant que naturopathe référent de midi sport santé, nous souhaitions te solliciter pour aborder avec toi le thème des jus dits « détox ».
En décomposant le mot détox, nous voyons bien la racine du mot toxine. Donc pour commencer, pourrais-tu définir ce qu’est une toxine?
Cosimo DICIOLLA :
Il existe plusieurs types de toxines :
les toxines endogènes : ces toxines sont les déchets cellulaires de notre propre corps, y compris les microbiotes (micro-organismes de types bactéries, virus, parasites et champignons). Exemple : le microbiote intestinal (flore intestinale).
les toxiques, c’est-à-dire tout ce qui est exogène, autrement dit ce qui vient de l’extérieur : la pollution (gaz d’échappements, agents chimiques auxquels on peut s’exposer dans certains corps de métiers, mais aussi issus des peintures et tissus de la maison, les vêtements, etc…), tout ce que l’on peut trouver dans l’alimentation (pesticides, résidus d’engrais chimiques, colorants, agents de saveur et de texture, conservateurs,…) et également dans l’eau.
S.R : Comment peut-on évacuer les toxines ?
C.D : Pour cela, nous avons ce que nous appelons les émonctoires : c’est-à-dire les parties de notre corps dont le rôle est de participer à ce que l’on appelle la détoxination. Parmi les différents émonctoires principaux, nous pouvons citer les deux plus importants : le foie et les reins. Mais nous pouvons citer aussi les intestins, la peau et les voies respiratoires.
Concernant la consommation de jus détox et leurs bienfaits, nous pouvons parler essentiellement de détoxination hépatique. Il s’agit là d’un processus par lequel certains organes (exemple : le foie) produisent des enzymes pour inactiver et catalyser les substances toxiques.
S.R : Existe-t-il des toxines dangereuses ?
C.D : Oui évidemment comme par exemple certaines substances chimiques telles que le mercure ou certains acides très puissants. Cependant de manière générale le problème que nous rencontrons le plus n’est pas forcément l’attaque de fortes substances extrêmement nocives et dont la faible dose est dangereuse.
Car très souvent, le plus grand des méfaits provient d’autres types de toxines moins puissantes mais que nous cumulons et qui, avec le temps, créent une surcharge et viennent encrasser les émonctoires. Ces derniers peuvent alors malheureusement peiner dans leur travail voire totalement dysfonctionner. Ceci peut par exemple altérer l’évacuation de certaines substances organiques comme l’acide pyruvique qui se situe au carrefour de plusieurs voies métaboliques majeures des cellules vivantes (glycolyse, cycle de Krebs, néoglucogenèse).
Pour un bon fonctionnement, tout cela demande des cofacteurs tels que les oligo-éléments, les minéraux et les vitamines qui se trouvent dans les légumes et les fruits.
S.R : Peux-tu nous fournir des explications et des conseils quant à la consommation des différents types de jus rouges ou de jus verts ?
C.D : Si nous orientons notre regard uniquement sur les fruits et les légumes, sachant que l’on peut intégrer dans ces jus des algues et des épices, il est recommandé d’associer des fruits et des légumes plutôt de même couleur afin de ne pas trop mélanger de molécules. Par exemple la détox hépatique est très efficace avec des jus contenant des betteraves et des carottes.
Aussi il faut garder une cohérence de manière à ce que le corps n’ait pas à travailler davantage. Étant donné qu’il n’y a pas de fibres dans les jus, l’élimination se fait rapidement. De plus cela demande moins d’efforts car le corps n’a pas à travailler trop d’éléments. Il existe également un autre avantage à la consommation de jus détox, c’est que l’assimilation se fait rapidement (environ 15 minutes). Ainsi moins le corps aura d’éléments à travailler, plus la détox sera efficace. C’est pour ça que l’on choisira des jus d’une même couleur.
Alors bien sûr les jus verts ont aussi des qualités très intéressantes. En effet, puisqu’ils sont très riches en chlorophylle, les fruits et légumes verts permettent une meilleure régénération cellulaire en nettoyant et en protégeant la cellule. Mais la chlorophylle a surtout un autre avantage très important pour les femmes puisque c’est un régulateur œstrogénique. Ainsi, beaucoup de problèmes féminins peuvent être résolus par la consommation de jus verts.
S.R : Que conseillerais-tu pour les personnes qui souhaitent améliorer la qualité de leur peau ?
C.D : La peau a besoin de vitamines telles que la B3, B5 et B8, ce sont ce que l’on appelle les vitamines de la peau et de la beauté. Cependant notre corps ne peut pas les fabriquer, il n’est pas en mesure de les synthétiser. A ces vitamines hydrosolubles du groupe B, on peut y ajouter des vitamines liposolubles du groupe A que l’on trouve encore une fois dans les carottes. On peut donc choisir de faire les jus en fonction de ce que contiennent les fruits et les légumes.
S.R : Une consommation de jus est une consommation sans fibre. A l’inverse, une hyper consommation de fibres peut-elle être néfaste ?
C.D : En effet, une hyper consommation de fibres va être problématique car elles empêchent au niveau du colon la consommation des derniers électrolytes qui peuvent rester et qui sont contenus dans les fruits les légumes. L’excès de fibres abîme aussi notre intestin puisqu’elles vont venir le racler, le râper et l’user davantage à cause de la lignine qu’elles contiennent.
La lignine a pour fonction d’apporter de la rigidité et de la résistance à la décomposition, c’est également un des principaux composants du bois. On comprend alors mieux qu’il ne faut pas en absorber exagérément car cela génère des micro-blessures qui vont impacter l’antérocite, la cellule intestinale spécialisée dans l’absorption, qui finira par s’abîmer.
C’est d’ailleurs un des problèmes qui touche les personnes qui souhaitent maigrir en voulant, à tort, consommer beaucoup de légumes et générer d’autres types de problèmes en plus du surpoids.
Ceci dit, il faut bien sûr consommer des légumes avec leurs fibres mais en quantité raisonnée, en bonne quantité et au bon moment, c’est-à-dire un peu en dehors des repas et davantage pendant les repas.
En revanche pour les jus, c’est excellent en dehors des repas mais pas trop pendant car il faut faire attention à l’association qu’il peut y avoir avec les protéines et les féculents par exemple.
S.R : Préconises-tu une durée d’intervalle entre la prise d’un jus et le petit déjeuner, ou autre type de repas ?
C.D : À chaque fruit et légume correspond un temps pour transiter jusqu’à l’estomac. Par exemple il faut 10 minutes pour la pastèque et le melon. Si avant cela nous consommons autre chose, d’autres fruits par exemple, cela va générer de la fermentation et va créer de l’alcool dans notre estomac. La durée maximale pour transiter sur l’ensemble des légumes et des fruits est d’environ 20 à 30 minutes, ce qui représente le temps d’attente préconisé avant la prise du petit déjeuner. Je conseille également de les consommer à jeun.
S.R : Nous pouvons acheter des jus ou les faire nous-mêmes. Penses-tu qu’il y a des différences de qualité nutritionnelle entre les deux ?
C.D : Tout d’abord oui, selon la qualité des produits utilisés. Je recommande toujours de consommer des produits bio, qu’ils soient transformés de manière industrielle ou par nos propres soins.
Cependant, à partir du moment où le fruit a été cueilli, il commence déjà à se dégrader. Donc plus on attend et moins il y aura de nutriments, ceux dont on a besoin pour la détox. Vitamines, minéraux et électrolytes sont beaucoup plus présents dans un fruit que l’on vient tout juste de cueillir de l’arbre. Il en est de même pour les jus que nous pressons, il est recommandé de les boire le plus rapidement possible après leur préparation. Si on observe le côté pratique avec l’utilisation d’un extracteur de jus que l’on doit démonter et nettoyer, on a plutôt tendance à faire des grandes quantités. Cela ne veut pas dire que le jus va perdre toutes ses qualités, cependant il ne faut pas trop tarder à le consommer.
S.R : Quel type d’appareil conseilles-tu d’utiliser pour faire des jus ?
C.D : Une centrifugeuse va tourner très très vite et ainsi fournir beaucoup trop d’oxygène et accélérer l’oxydation des nutriments. Mais ce n’est pas tout, elle va également casser les molécules qui vont détruire les nutriments et leur faire perdre leurs propriétés.
Ce que je recommande donc c’est d’utiliser un extracteur qui n’excède pas les 100 tours minutes. En procédant avec ce type d’extraction, il y a très peu d’oxygène donc très peu d’oxydation, principal facteur qui entraînera la perte de vitamines. Certaines ne se dégradent pas du tout, d’autres un peu, mais celle que l’on perd majoritairement c’est la vitamine C.
S.R : Les jus détox peuvent-ils avoir une réelle fonction pour perdre des graisses ?
C.D : Oui. Les jus participent à la perte des graisses, évidemment. Seulement cela se produit de manière indirecte et entre en considération avec un ensemble de choses.
Tout d’abord il faut savoir pourquoi nous retenons les graisses. On les retient pour fabriquer des hormones stéroïdiennes, principalement le cortisol (hormone du stress). Notre cellule adipeuse grossit alors car nous avons besoin de stocker des graisses animales.
Et lorsqu’on consomme des jus détox, on amène principalement des minéraux, des oligo-éléments et des vitamines qui sont indispensables pour tous les métabolismes et pour toutes les transformations métaboliques de notre corps. Ainsi, lorsqu’une cellule dispose à portée de main des capacités pour se nettoyer et se libérer de ses déchets afin que ces derniers puissent aller jusqu’au foie et être aisément évacués, on va disperser la masse graisseuse. Il se peut qu’on ne la perde pas totalement, en revanche elle sera beaucoup mieux répartie dans le corps. Ainsi on disposera de graisses dans les endroits où nous en avons besoin pour consommer de l’énergie.
Ce qu’il faut comprendre c’est que nous disposons de matières premières que nous ingérons ou respirons et de déchets que nous devons évacuer (ou tentons d’évacuer, et c’est bien là la problématique). Or, les déchets que nous stockons malheureusement trop souvent en excédent créent un encrassement qui va nous empêcher de perdre correctement nos graisses. Notre foie et nos intestins n’arrivent alors plus à fonctionner correctement car leur charge de travail devient trop importante. Un peu à l’image d’une usine de recyclage dont la qualité du matériel et le nombre d’employés ne suffiraient plus à transformer les déchets tant les volumes qu’on leur demande de traiter sont considérables. A la réception, les zones de stockage se mettraient à déborder, le travail de transformation serait perpétuel, les machines n’auraient pas le temps d’être entretenues au risque de ne plus fonctionner et le personnel pourrait créer des accidents par manque de récupération. Tout cet écosystème ne pourrait alors plus fonctionner correctement, entrainant fatalement divers types de problèmes.
Ainsi, la consommation de jus détox, et je le répète à nouveau, permettra aux émonctoires de mieux fonctionner et par conséquent facilitera l’élimination des déchets, et donc des graisses. Aussi, acide urique et acide pyruvique doivent être impérativement éliminés car, en grande quantité, ils peuvent bloquer nos fonctions vitales.
S.R : Quelle est la quantité et la fréquence que tu recommandes concernant la consommation de jus détox ?
C.D : Tout d’abord il faut savoir que notre corps a une capacité d’assimilation relative. Ainsi, si on consomme des jus en grande quantité, il y aura beaucoup de pertes car le corps n’aura pas le temps de tout assimiler. C’est comme lorsque nous buvons de l’eau, nous devons éviter de dépasser 50 à 100 ml de consommation par prise.
De la même manière, l’eau contenue dans les jus doit être consommée par petites quantités. L’eau contenue dans ces jus est d’ailleurs considérée comme une eau vitale et précieuse puisqu’elle amène dans le corps tout ce qu’il ne peut pas synthétiser.
Concernant la quantité par prise et la fréquence, cela dépend de l’usage que l’on en fait. Si c’est pour remplacer une boisson pendant la journée ou bien alors pour faire un travail détox complet lorsque par exemple on effectue un jeûne intermittent, on met alors tout notre corps au repos et par conséquent tous nos systèmes.
Dire que ce processus permet de mettre l’estomac au repos n’est pas vraiment juste, on met en réalité tout notre corps au repos. Car en fait dans la mesure où le corps n’a pas d’entrées autres que les vitamines, les minéraux et les oligo-éléments, il ne se soucie alors pas de transformer quoi que ce soit d’autre tel que les protéines, les lipides et les glucides même si il y a une petite partie de glucides dans le jus.
Et c’est là où ça devient très intéressant, quand le corps considère qu’il n’a pas grand-chose à faire, il se met alors en mode « nettoyage ».
Par exemple lorsque vous dînez, vous sautez votre petit déjeuner en prenant un jus et vous attendez 13 heures pour prendre votre déjeuner.
Qu’est-ce qu’il se passe durant ce laps de temps ?
Vous avez fait du 3 en 1 :
- Vous avez fait un mini jeûne
- Vous avez mis votre corps au repos
- Vous avez amené les nutriments nécessaires pour que votre corps puisse donner le coup de balai
S.R : Peut-on également considérer que les jus détox peuvent avoir une incidence sur le système immunitaire ?
C.D : Bien sûr, dans la mesure où la cellule est plus saine et qu’elle peut effectuer son travail de manière beaucoup plus aisée, on comprend bien que la vitalité ne peut être qu’améliorée.
Et quand on a de la vitalité, on dispose d’un système immunitaire qui est au top. Cette vitalité donne le pouvoir à notre système immunitaire de se battre. On observe ici le corps sur un plan cellulaire, et si les cellules se portent bien, le corps se porte bien également.
S.R : Faut-il adapter la prise de jus en fonction de la saisonnalité ?
C.D : C’est une question intéressante, car en médecine chinoise à chaque saison correspond un couple d’organes. La saison qui nous intéresse le plus, à nous naturopathe, est le printemps car le couple d’organes associé à cette saison est le foie et la vésicule biliaire. Or le foie a plus de 500 fonctions et c’est vraiment lui qui fait le plus gros du travail. C’est la raison pour laquelle nous y attachons énormément d’importance. Il va donc falloir le soutenir avec cet apport exogène de nutriments qui sont dans les fruits et les légumes et que notre organisme ne produit pas.
A titre d’exemple, l’hiver, nous avons besoin d’un système immunitaire qui soit un peu plus poussé. C’est la raison pour laquelle la nature, en automne, met à notre disposition des fruits et des légumes qui nous permettent d’obtenir des apports spécifiques pour nous aider à dynamiser notre système immunitaire, tout comme au printemps nous trouvons des fruits et des légumes qui sont adaptés pour le foie.
Le conseil que je peux donc donner, c’est de recueillir la liste des fruits et des légumes disponibles lors de chaque saison afin de pouvoir les utiliser pour faire les jus. L’idéal est de trouver si on peut des produits sauvages, sinon tout au moins bio, et bien sûr locaux dans la mesure du possible.
On ne va évidemment pas consommer de fruits exotiques, si ce n’est pour améliorer le goût à sa convenance et aussi pour le plaisir. Plaisir qu’il ne faut bien sûr pas oublier.
NDLR : Pourquoi les carottes rendent-elles aimable ?
Même si à l’origine de l’expression la carotte était destiné à « rendre aimable » les ânes pour les faire avancer ou bien destinée à stimuler les enfants pour les faire manger, une autre explication vient des personnes qui souffrent du foie, ce qui peut rendre de mauvaise humeur. Or la carotte a la propriété de fluidifier la bile et est un remède pour toutes les affections du foie. Par ailleurs, c’est un des rares légumes riche en sucre dont la teneur peut en atténuer le manque et les pulsions. Aussi, la carrotte est très riche en béta-carotène (pro-vitamine A) qui est un puissant anti-oxydant. Ainsi ceux qui la consomment seraient moins irrités, moins irritables et donc plus aimables.